vendredi 23 septembre 2016

Las Vegas, rêve ou cauchemar ?

Las Vegas, ville de rêve ou cauchemar ?
Nous roulons depuis des heures au milieu de paysages arides, traversons un univers de montagne complètement minéral. Dans une descente nous voyons apparaître au loin une tâche dans ce désert.
Las Vegas ? Mais nous sommes encore à plus de 30 kms ! Pourtant c'est bien elle, là au milieu de nulle part. Plus nous nous rapprochons, plus les buildings grandissent même si ils ne sont pas si nombreux que cela. Il y en a un qui brille plus que les autres, toutes ses vitres sont couleur or. En roulant nous prenons une photo et je trouve le résultat plutôt drôle. En avant plan un panneau lumineux "God is Beautiful" et derrière l'immeuble doré... à la gloire et appartenant à D. Trump ! Je le soupçonne de financer cet affichage pour envoyer un message subliminal à ses futurs électeurs et l'associer à Dieu. C'est vrai quoi, être aussi riche et avoir du pouvoir il y a de quoi se prendre pour un demi-dieu !
Lorsque nous arrivons à l'hôtel nous ouvrons les portes du van et les +40°c de température nous tombent dessus. Nous sommes dans la ville des extrêmes : c'est la plus peuplée du monde avec les températures les plus chaudes, c'est la première destination touristique des États-Unis avec 40 millions de visiteurs, sa population a été multipliée par 3 en 20 ans, elle est en plein désert et le prix de l'eau est le moins cher des USA ! Comme elle n'est pas à un superlatif près, elle s'est proclamée "capitale mondiale du divertissement". Rien que ça.
Pour moi cette ville représente ce qu'il y a de plus inutile sur Terre. Pourquoi existe t'elle là où il ne devrait n'y avoir que le désert ? Créée pour le jeu, développée pour l'argent, cette ville est le capitalisme à l'état pur, sans aucune régulation, poussé à l'extrême. L'argent est ici le but unique de toute chose, projet, développement quelques soient les difficultés et retombées. Les retombées les plus importantes sont évidemment écologiques. Vous me direz que dans le désert où il n'y a rien, il n'y a rien à perdre. Admettons, sauf que pour alimenter en eau sa population, ses hôtels, piscines, lacs, canaux, et 50 (!) terrains de golf, la ville à déjà presque mis à sec le lac Mead (le plus grand du pays) et avec les sècheresses le fleuve Colorado prend le même chemin... Pour faire face à la pénurie et à la croissance, elle prévoit les projets les plus fous. Qu'importe le coût et impacts écologiques, l'important est le résultat et les profits que cela continuera à engendrer.
Pour soutenir le capitalisme du jeu tout est bon. Pour faire venir des millions de personnes et les inciter à jouer, dépenser, rien de mieux que les éblouir par des lumières, des mirages, et leur en mettre plein la vue. De ce côté-là ils ont réussi. Ici on peut faire le tour du monde en 80 minutes !
New York, Paris sa Tour Eiffel et Arc de triomphe, les canaux de Venise, la Rome Antique, un volcan en éruption, etc... Le plus bluffant pour moi est le quartier de Venise avec le palais des Doges et le Campanile St Marc. Avec sa galerie et colonnes aux chapiteaux sculptés, ses escaliers, ses peintures intérieures sur les plafonds. J'ai du mal à être émerveillé par du faux mais il y a de quoi être impressionné. L'art au service du jeu et du business. Car il suffit de descendre un escalier et l'on se retrouve au milieu de milliers de machines à sous et salles de jeu !
Pour le plus grand plaisir des visiteurs et joueurs. À propos des joueurs, ont-ils vraiment du plaisir à jouer ?
Je n'en suis pas certain, en tout cas pas beaucoup. Devant les machines à sous il y a ceux qui essaient pour la première fois, qui jouent quelques minutes et s'amusent.
Et il y a ceux qui jouent mais ne savent pas pourquoi. Ils sont nombreux, assis, enfoncés dans leur fauteuil confortable, un bras dans le vide et l'autre devant les boutons lumineux. Du bout des doigts ils appuient machinalement sur ceux qui sont censés les faire gagner le jackpot. Le crédit sur leur carte, souvent des centaines de $, est débité à chaque fois, il descend, monte, mais au final évidement bien peu gagnent... Ce qui m'a le plus étonné c'est l'absence de sourire, de joie à jouer de ces personnes. Il y a même de la tristesse sur leur visage. Elles ne savent plus pourquoi elles sont là, pourquoi elles jouent, elles tuent le temps en même temps qu'elles même.
Découvrir Las Vegas à été pour moi découvrir un univers qui n'est pas le mien, en tous cas pas un rêve. Malgré cela, découvrir de ses propres yeux est toujours enrichissant. Pour interpréter le monde il faut parfois savoir écouter ce que l'on ne comprend pas, et voir ce l'on ne souhaite pas.
Il est un Américain qui bien avant l'heure avait compris qu'un désastre arriverait un jour. Cet Américain est un indien : Sitting Bull. À la fin du 19eme siècle il a écrit
« Lorsque la dernière goutte d'eau sera polluée, le dernier animal chassé et le dernier arbre coupé, l'homme blanc comprendra que l'argent ne se mange pas. »
Plus le temps avance et plus il a raison. Et pas seulement pour Las Vegas.

mercredi 21 septembre 2016

Elle est déjà arrivée !

Surprise du matin,
Il est loin maintenant
L'été Indien Canadien
Blanche neige revient
Couvrir tous les sapins
Pour un hiver Canadien
😃

vendredi 16 septembre 2016

Éternel Canada

Une bonne semaine que je suis au Canada mais je ne retrouvais pas les images que j'avais en tête de ce pays. Ce pays est grand (immense !) et vous me direz que les voyages c'est être surpris et ne pas toujours trouver ce que l'on cherche. C'est vrai mais quand même ! Vous allez en Normandie vous avez envie de voir des vaches blanches et noires brouter de l'herbe ou si vous êtes dans le massif central vous vous attendez à voir des volcans !?
Il faut dire que les premiers jours la météo ne m'a pas aidé à apprécier ce que je découvrais. Il a même neigé en altitude au dessus de 1900m et les températures au camping la nuit étaient autour de 0°c. J'ai l'habitude de la montagne et de ces conditions, mais quelques fois lutter tout seul contre les éléments n'est pas toujours facile et le moral en prend un coup... Et puis il faut l'avouer, être plus de deux mois loin de chez soi, loin des êtres qui vous sont chers, loin de sa moitié, ce n'est pas toujours facile. Quelques soient les paysages fabuleux que l'on peut voir. Je sais que j'ai atteint mes limites temporelles dans le voyage (presque) en solitaire et cela ce ressent sur mon envie de découverte, mon ouverture au monde. Mais heureusement, aujourd'hui deux choses m'aident à nouveau à ouvrir les yeux sur ce que je vois : dans moins de 10 jours je serais de retour en France et depuis deux jours l'été indien est arrivé au Canada ! Et que la nature est belle ici :-) Je vous la partage à travers  ce que j'ai pu en saisir avec mon troisième oeil, celui qui rend presque éternel l'instant présent, mon appareil photo !




mardi 6 septembre 2016

Rencontre avec les ours.

Nord des États-Unis, état du Montana, Glacier Park.
Frontalier avec le Canada, le Montana est un des états le moins peuplé des USA. Des grandes vallées, des lacs, des forêts, une faune riche. Et des Américains qui roulent en 4x4 énormes. Ici si tu n'as pas de voiture ce n'est pas normal et en plus si tu marches à pied avec un sac à dos, tu es un mec louche. Peut-être pour cela que je n'ai jamais réussi à me faire prendre en stop par ici. À moins que ce soit ma barbe de quelques semaines qui fait peur ! À côté de cela, sortis de leurs voitures les Américains sont toujours aussi charmants, serviables et au contact facile.
Après plusieurs jours de tourisme classique, mon projet est de continuer vers le Canada et passer la frontière par le Lac de Waterton, que l'on atteint par 3 jours de randonnée. C'est le "Highline trail". Dans les parcs américains il n'est pas facile d'improviser et pour camper dans les bivouacs aménagés il faut un permis. Pas de chance, le trek que je veux faire est assez parcouru et les campements complets. Les rangers me dirigent vers un itinéraire bis et d'autres bivouacs, pourquoi pas !
Me voilà donc parti un beau matin pour 3 jours en autonomie avec, comme à l'habitude, mon sac à dos trop lourd. Mais je suis paré à tout et je n'ai surtout pas oublié mon "bears spray", une bombe lacrymogène puissante pour si besoin repousser un ours. Pour atteindre le début de mon trek je prends un minibus qui dépose sur les lieux stratégiques du parc. J'embarque, nous roulons un peu et à chaque arrêt le bus est un peu plus bondé. Je décide de ranger mon sac à dos sous un siège et l'improbable arrive. La sécurité de mon bears spray, placé sur le côté de mon sac, s'arrache sous le siège et envoie un jet de gaz dans le bus !!! Je ne le vois pas tout de suite mais en quelques secondes tout le monde se met à éternuer, pleurer, ne plus respirer. En 10 secondes chrono le bus s'arrête, tout le monde se précipite dehors, je jette mon sac à dos par la fenêtre et moi aussi ! Oups...euh I'm very sorry, I don't understand... En attendant j'ai plein de spray sur mes mains et ça brûle, on me les rince mais je sais que j'en ai pour un ou deux jours à m'en débarrasser. Un quart d'heure plus tard les passagers ont retrouvé le sourire et repartons toutes fenêtres ouvertes. La journée commence fort...
Enfin, me voici au début de mon chemin. J'attends à l'entrée pour trouver quelqu'un avec qui marcher, c'est plus rassurant (prudent?) dans ces régions sauvages. Sauf que le chemin se sépare en deux et les quelques personnes que je croise partent vers l'autre... Bon tant pis le temps avance il me faut partir. Dix minutes de marche et j'arrive au bord d'une rivière, l'occasion de me rincer une nouvelle fois les mains. Lorsque je me relève, j'aperçois de l'autre côté de la rivière une masse noir dans la végétation : un Black Bear, un ours noir qui mange tranquillement des baies. Il ne m'a pas vu et j'ai le temps de le prendre en photo. Mais me voilà prévenu ils sont bien là. Je repars et adopte toutes les recommandations des Rangers : faire du bruit, claquer des mains, chanter, marcher doucement. Comme je chante mal (même pour moi!) je crie régulièrement Hey hey hey trois fois, le principal est de se faire entendre ! Je n'ai que dix kilomètres à faire aujourd'hui mais je trouve le chemin long et surtout pas fréquenté. Je n'y verrais personne. Je progresse mais ne profite pas du tout du paysage tellement je suis attentif à mon environnement proche. Un ours est si vite arrivé... Il fait chaud et il n'y a pas d'ombre, il ne reste que les squelettes des arbres brûlés dans un grand incendie en 2003 qui ajoute une ambiance plutôt mortel. Mon front transpire et la sueur mélangée au Bear spray que j'ai du recevoir un peu sur le visage me brûle les yeux, je n'en peux plus. Encore deux kilomètres jusqu'au camping-bivouac, je vais y arriver et retrouver j'espère un peu de compagnie. Le chemin est étroit entre la végétation et on ne sait pas ce qui peut s'y cacher. Tout à coup dans une pente, légèrement derrière moi j'entends un grognement, un cri du genre caverneux. Ours noir, grizzly ? Je ne sais pas mais en tout cas pas une marmotte ! Je dégaine mon Bear spray et tout en continuant d'avancer je regarde derrière mais ne vois rien. Je ne cherche pas à trouver et j'accélère le pas. Gros coup d'adrénaline, j'ai le coeur qui bat à fond. Allez, c'est bientôt le camping ! J'y arrive enfin. Déception. C'est quatre emplacements, une toilette sèche, un coin pour suspendre la nourriture et... personne. Pas de Rangers, pas d'autres randonneurs. Un grand moment de solitude mais je me dis qu'il faut profiter de l'endroit, passer la nuit et je verrai pour la suite.
Une demi heure plus tard, je vois arriver avec bonheur un randonneur. Il a un sac encore plus gros que le mien, c'est sa maison aussi. Il s'appelle Larry, il a 63 ans et vient de la Pennsylvanie. Cela fait 16 jours qu'il traverse le parc seul. Respect. Il a un accent comme les Texans, je ne comprends pas tout ce qu'il dit mais nous passons une bonne soirée ensemble. Pendant le repas une hermine, animal pourtant très méfiant vient s'amuser entre nous. Dans le Montana les soirées sont courtes, dès la nuit tombée il vaut mieux ne pas trainer dehors, devenir invisible dans sa tente et surtout ne laisser aucune nourriture dedans ! Dans le campement un portique permet de mettre en hauteur et à l'abri tout ce qui a une odeur : nourriture mais aussi dentifrice, crème, gel douche... Je passe une nuit assez sereine malgré mes rencontres et craintes de la journée. Mais dans la nuit le vent se lève, il commence à pleuvoir et finalement se sont des trombes d'eau qui tombent. Le lendemain c'est 23 kms qui m'attendent, plus du double que la veille ! Et il continue de pleuvoir. Le matin je ne me sens pas la force de lutter contre les éléments, et surtout en même temps de parcourir seul ces 23 kms, tout en étant en permanence à l'affût de prédateurs plus grand que moi. Même si certains le font ce n'est pas raisonnable et je décide de faire demi-tour et repars avec Larry. Peut-être fatigué lui aussi d'être toujours aux aguets, il me demande de passer devant. Une demi-heure plus tard, au détour d'un virage il était là au milieu du chemin, un autre black bear, massif, magnifique, le pelage noir brillant. Il nous regardait, le museau en l'air à essayer de capter nos odeurs. Nous nous sommes figés et sans lui tourner le dos nous avons fait quelques pas en arrière. Un ours a horreur d'être surpris. Soit il se sent acculer et il attaque pour se défendre, soit il sait qu'il peut fuir et utilise cette porte de secours. Il a tout le chemin pour lui et fait demi-tour. Nous attendons cinq minutes et repartons mais le problème c'est que sur le chemin je vois toujours devant nous les traces de ses pattes sur le sol détrempé. Il est toujours devant, les herbes sont hautes et dépassent sur le chemin étroit, il peut être là à deux mètres je ne le verrai pas. Nouveau gros flip et j'avance au ralenti. Je suis juste rassuré de ne pas me faire attaquer par derrière, Larry est là avec son Bear spray. Au bout d'un moment il n'y a plus de traces et j'estime qu'il a dû sortir du chemin.
Le retour sur la route se fera ensuite sans encombres. Ouf !
Larry va continuer son chemin encore une quinzaine de jours seul dans ces montagnes, il n'a pas envie de rentrer, il se sent bien là.
Avec du recul c'est une expérience inoubliable que je ne regrette pas parce qu'elle finit sans problème mais partir seul n'est pas une bonne idée sur un terrain peu fréquenté...
Bien heureusement je n'ai pas vu de grizzly qui eux sont vraiment agressifs. Quand on sait que debout ils font en moyenne 2m70 je pense qu'en avoir un devant soi doit être terrifiant.
J'ai ressenti pendant ces deux jours une forme de peur que je n'ai jamais ressenti auparavant. C'était une peur primitive, profonde, celle de la loi de la nature, celle qui régit le rapport entre le prédateur et sa proie. Même si l'on apprend à gérer cette peur, en Europe nous avons perdu depuis longtemps cette habitude qu'il peut y avoir des animaux dangereux et des précautions qu'il faut prendre avec. Depuis aujourd'hui je suis revenu à la "civilisation" à Seattle sur la côte ouest. Je me suis baladé dans différents quartiers dont certains qui ont l'air peu fréquentables. Et je me pose la question : ai-je plus de chance de mourir dans cette jungle citadine ou dans la forêt sauvage du Montana ? Je crois que mon ami Larry qui a fui la ville pour différentes raisons à la réponse. Je lui souhaite une belle route et une longue vie dans les forêts.