Fin août 2016. C'était mon septième mois de voyage et qui touche à sa
fin avec mes filles Élodie, Pauline ainsi que Vanessa. San Francisco est
connue pour son pont à la silhouette unique, rouge, qui traverse la
baie du même nom. Ses haubans se perdent dans les brumes quasi
journalières qui viennent l'engloutir dans les eaux froides du Pacifique
Nord. Pourtant, le jour de notre arrivée, ses haubans rouges
tranchaient sur le bleu du ciel. La soleil étincelait sur la mer agitée
d'un sombre gris bleu, parcourue par des moutons d’écumes cherchant à
gagner la liberté de l'océan. D'un côté du pont, San Francisco, la ville
qui hésite entre modernisme architectural et bâtiments aux façades
traditionnelles de bois colorées. Et de l'autre le "Golden Gate National
Recreation Area", un espace de verdure encore sauvage le long de la
côte ouest. C'est notre destination pour les prochaines nuits. Un lieu
exceptionnel qu’Élodie nous a trouvé. Presque au pied du pont, dans une
forêt aux arbres immenses bordée par les eaux de la baie, un camping. Un
camping de plusieurs hectares mais pas plus d'une dizaine
d'emplacements. Le nôtre est au plus près de la mer et surplombe la
plage et fait face au pont. Magique. Nous y arrivons la nuit et nous
devons monter les tentes dans la pénombre. Impossible de rentrer les
voitures mais des brouettes sont à disposition pour amener nos affaires à
l'emplacement. Pendant le montage des tentes avec une lampe frontale,
nous voyons briller quelque chose qui bouge sur une brouette. Un raton
laveur vient de piquer un paquet de chewing-gum en ouvrant la fermeture
éclair du sac à dos de Pauline !!! Il y a en fait tout une famille qui
surveille nos faits et gestes, à l'affût de nourriture et d'objets
brillants à récupérer. Dans la nuit toutes nos affaires sont dans les
tentes. Je dors sur le côté quand d'un coup j'ai l'impression d'être le
dos appuyé sur un sac. Je le repousse inconsciemment mais le matin
surprise : des traces de pattes sur la toile de tente et un trou dans la
moustiquaire au dessus de moi. Pas de sac mais un raton laveur curieux a
voulu nous tenir compagnie ou plutôt nous chiper un peu de nourriture !
Mais pas de quoi gâcher la journée, je sors la tête de la tente et la
baie de San Francisco m'apparaît, une plage déserte de sable gris entre
nous et le pont. Le lieu est d'une grande quiétude à l'opposé de la
ville qui lui fait face. Le genre de lieu où je pourrais rester des
heures à contempler, m'imprégner de chaque détail du paysage,
m'émerveiller de la lumière changeante sur la baie, prendre le temps de
tout et de rien, respirer le bonheur d'être là, avec mes filles. Mais si
moi j'ai le temps ce n'est pas leur cas ! Nous partons donc traverser
ce fameux pont et découvrir un peu plus cette ville.
Quelques fois
port de pêche ou de plaisance, décor de séries TV, plage de villégiature
pour les lions de mer, quartier Chinois ou Victorien, repaire hippie,
montagnes Russes pour tramway d'un autre temps, San Francisco est aussi
variée dans ses apparences que dans son âme. C'est une ville
incomparablement différente du reste des États-Unis par sa diversité
culturelle, son anticonformisme, sa tolérance vis à vis des minorités.
Ici les "sans-papier" ne sont pas en situation irrégulière comme dans le
reste des États-Unis, la ville impose un salaire minimum, des congés
maladies. Il y a de nombreuses communautés qui se développent dans la
ville et qui se regroupent dans certains quartiers. On s'en aperçoit
rapidement en se baladant, comme par exemple dans le quartier coloré de
Castro. Où on ne s'en aperçoit pas tout de suite ! À l'exemple du
restaurant où je me suis arrêté déjeuner et avec des chevaliers de table
un peu particuliers et assez explicites (voir photo
:-).
Si il y a quelque chose à ne pas rater dans cette ville, c'est le
fameux tramway. Il faut monter à son bord, s'accrocher aux poignées
extérieures, debout sur les marchepieds et décoller pour un voyage dans
le temps. Rythmé par le bruit des mécaniques d'un autre siècle et la
cloche marquant chaque arrêt, on s'élève dans les rues plus pentues les
unes que les autres. C'est vraiment la plus belle manière de saisir
l'atmosphère de cette ville, même si il y a des centaines d'autres
possibilités de le faire si l'on avait eu plus de temps.
Nous avons
passé 2 jours avec les filles à San Francisco avant leur retour en
France. C'était bien trop court. Comme tout ce que nous avons pu faire
ensemble pendant ce mois d'août. Si je continue mon chemin, c'est pour
elles la fin de l'aventure Américaine. Partager une partie de mes
voyages et leur offrir un certain rêve Américain a été du pur bonheur.
C'est devant un banal arrêt de bus que nous nous sommes quittés. Il est
arrivé trop rapidement pour les emmener vers l'aéroport. Lorsque la
porte du bus s'est refermée derrière elles, c'est les larmes aux yeux
que je suis reparti vers d'autres horizons, seul, avec mon sac à dos.
Une autre forme de voyage.