samedi 30 avril 2016

Une journée ordinaire dans un pays extraordinaire.


Dimanche 17 avril 4h30 du matin. L'agent de sécurité de l'hôtel nous demande d'attendre, ouvre prudemment le portail donnant sur la rue, regarde à droite puis à gauche. Notre taxi nous attends le long du trottoir. Pas de guetteur ou rodeur à proximité, l'agent nous fait signe de la tête que nous pouvons sortir. Les rues de Tananarive seraient-elles si mal famées ? Nous jetons nos sac à dos dans le coffre et nous engouffrons dans le taxi direction l'aéroport. Nous avons décidé de partir en avion au plus loin vers le sud et remonter en taxi brousse vers le nord. La route ne manque pas de lieux à découvrir. Première destination le parc de l'Isalo à côté de Ranohira.
Pour l'instant nous en sommes loin et nous traversons de nuit en taxi les banlieues de Tana, alternance de baraques en bois, boutiques de rues, logements et, plutôt inattendu, des rizières. Tana est la troisième ville de production de riz dans le pays. Imaginez Paris troisième ville de production de blé en France ! Il est à peine 5h et la ville court déjà, au sens propre comme au figuré. Des gens courent dans la nuit, souvent jeunes et pieds nus, certainement à la poursuite du seul but de survivre. Quoique notre chauffeur nous explique que c'est bientôt le baccalauréat et que les élèves s'entraînent sévère pour l'épreuve sportive. Nous arrivons à l'aéroport, y prenons un petit déjeuner rapide et enregistrons nos bagages. On nous demande de monter sur la balance et espérons que le petit déjeuner ne sera pas de trop. Ouf ça passe :-) Nous embarquons dans l'avion avec une horde de retraités Australien et un journaliste plus un caméraman. Le vol est en fait le premier vers cette destination de la nouvelle compagnie aérienne Madagascar Airways,  propriété du président Malgache et de sa famille... Et comme par hasard la compagnie historique nationale semble en faillite, belle affaire... Pour nous c'est une belle affaire également, nous sommes aux petits soins pour ce vol inaugural avec petits fours et vin blanc moelleux Malgache, que du bon ! Surprise à l'arrivée, une haie d'honneur nous accueille à l'entrée de l'aéroport, nous nous y engageons fièrement les premiers et vient la question qui tue : vous êtes passagers ? Oui bien sûr ! Ce n'est pas pour vous, passez de l'autre côté, OUPS ! Il restait dans l'avion le pilote et un passager mystère, frère, cousin du président ? Nous ne saurons jamais et allons récupérer nos bagages. Le bagagiste enlève son gilet fluo et nous demande : vous allez où, je fais taxi aussi ? Tout est bon à Mada pour gagner sa vie, il faut savoir tout faire. Pour un tarif non négociable mais bon marché il nous baladera une heure et demi jusqu'à la ville pour faire nos courses, assister à une course cycliste sur la seule route en bon état de la ville, et nous trouver un taxi brousse pour notre dernière étape de la journée : Rahonira. Le chauffeur de taxi est souvent le meilleur allié du routard quand on arrive dans une ville en Afrique. Quand vous l'avez engagé il dépense beaucoup d'énergie et ne compte pas son temps pour vous amener où vous voulez et vous aider jusqu'au bout. Avec son aide nous nous retrouvons donc à la gare routière. Si on se veut routard, se retrouver seul dans une gare routière en Afrique est une expérience et une épreuve qu'il faut avoir vécu. Cela m'est arrivé plusieurs fois et c'est toujours des moments forts en émotions. Souvent la première difficulté est de trouver la gare routière. En général c'est l'endroit où il y a le plus de véhicules bondés, de pagaille, et de monde. Avec des passagers évidemment, des marchands de tout et de n'importe quoi, des animaux, des sacs de grain, des pauvres errants à la recherche de quoi survivre, des chauffeurs, des rabatteurs.
Lorsque l'on est le seul blanc ("vazaha" en Malgache) c'est l'immersion compléte dans la vie à l'Africaine. Balancés entre guides improvisés honnêtes , rabatteurs presque honnêtes des compagnies et intermédiaires clandestins malhonnêtes, on ne se sait jamais si l'on va trouver le bon taxi brousse et le prix que l'on va payer ! Il faut souvent se fier à son instinct et se résoudre à payer le prix du "Vazaha" mais qui reste plusieurs fois inférieur à celui d'un taxi parisien.
Il est 11h du matin et nous voilà installés à l'avant du taxi-brousse prêt à partir. Dernier chargement de poules sur le toit et nous partons sur la grande route N7 direction Rahonira. C'est l'artère principale de l'île. Quelques dizaines de kms plus loin les nids de poules et manques de goudron sont de plus en plus fréquents. Les slaloms obligatoires du chauffeur font descendre la moyenne kilometrique qui n'était déjà pas bien élevée. J'hallucine quand je vois sur la route un aloe vera de 40 cm qui pousse dans un nid de poule ! Plus nous avançons et échangeons avec les Malgaches, plus nous nous rendons compte que le pays est abandonné par les politiques à leur profit. La piste de l'aéroport où nous avons atterri est flambante neuve pour accueillir les avions de la nouvelle compagnie  présidentielle mais le réseau routier est abandonné et isole les habitants. Et nous n'avons pas encore vu le pire.
À Mada on ne sait jamais quand on va pouvoir partir et encore moins quand on va arriver ! Après une pause forcée due à une crevaison,
à 27kms de notre destination nous nous arrêtons et tout le monde de descend.Terminus imprévu, le chauffeur prétexte un problème mécanique mais surtout il n'a pas envie de continuer pour juste deux touristes. Gros problème, nous sommes à Ilakaka, nouvel eldorado du Saphir. C'est le far west et ici il n'y a que les pierres qui sont précieuses, pas les vies humaines. Les Malgaches sont exploités et le marché de négoce est tenu par les asiatiques. Prostitution, drogue, vol, jeux d'argent, règlement de compte, c'est la vie à Ilakaka. Paraît-il que les négociants offrent un flingue à celui qui sort de son bureau avec plus de 3 millions d'Ariares (840€) en échange d'un Saphir !
En attendant des infos du chauffeur nous sommes sur le bord de la route. Un prédicateur qui arpente la rue vient à ma rencontre et me tend un papier en Français avec des versets du Coran pour purifier mon âme. Un peu plus tard un homme passe devant Juliette et lui pince le bras comme pour tester la chair des femmes Vazaha.
Nous devons absolument quitter cette ville avant la nuit, il nous reste deux heures. Notre chauffeur veut nous aider à trouver un véhicule mais tous ceux qui passent sont pleins. Une Renault 18 qui semble presque neuve passe en contre sens, les chauffeurs échangent entre eux, ils peuvent nous emmener pour 60000 Ar. Nous lançons 40000. Ils sont OK. De toute façon ce n'est plus une question de prix. Nous embarquons et partons heureux avec deux inconnus négociants en Saphir sur un fond de UB40 à la radio. Malgré quelques craintes de terminer dépouillés au milieu de nul part, ils sont très sympas et nous emmènent à destination. Pour trouver notre hôtel de brousse un cycliste nous ouvre la piste sur les 500 derniers mètres. Nous ne le savons pas encore mais ce sera notre guide le lendemain pour visiter le parc de l'Isalo. Mais cela est une autre histoire, une autre journée à Mada où tout est possible quand on a du temps. Après un coucher de soleil qui embrase le ciel, nous nous endormons en pensant à cette journée, à l'image de cette île pas comme les autres où il faut vivre l'instant présent. Encore moins qu'ailleurs ici le futur n'est pas écrit.
 

vendredi 15 avril 2016

Embrasement du ciel Malgache pour ce premier coucher de soleil sur l'île rouge.

jeudi 14 avril 2016

Les Lofoten version Å (B)


C'est par Å que je suis arrivé aux Lofoten et c'est de Å que je suis reparti. Dernières photos des derniers jours passés à vagabonder au gré du vent, du temps et surtout des envies. Que c'est bon de prendre son temps, de jouer au Tom Sawyer : grimper, marcher dans la boue, sauter par dessus les ruisseaux, observer un rapace, trouver ce que l'on ne cherche pas !